Les Facultés Loyola – Paris (Centre Sèvres) ont organisé le 15 mars 2024 une journée d’études intitulé « Réparation et pratiques du pardon » à laquelle plusieurs d’entre nous ont pu participer soit en « présentiel » soit par visio. Il s’agissait d’une sorte de conclusion à un séminaire de recherche sur la question du pardon, qui s’est poursuivi durant trois années sous une direction interdisciplinaire puisqu’il était animé par un philosophe, le jésuite Guilhem Causse, une psychologue clinicienne, Lorraine Angeneau, et un sociologue, Benoît Guillou. La journée s’est déroulée essentiellement sous la forme de tables rondes : le matin elles permettaient d’entendre des victimes puis de s’interroger sur le rôle des institutions ecclésiales, avec Véronique Margron pour la CORREF, et Mgr Emmanuel Gobillard pour la
CEF ; l’après-midi, plus technique, présentait les commissions au service des victimes (avec un membre de la CRR et Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’Inirr), puis s’interrogeait sur la prise en charge des auteurs de violences sexuelles avec un psychiatre et un représentant de l’Administration pénitentiaire, et enfin présentait les apports de la justice restaurative grâce aux témoignages de membres d’association qui la pratiquent.

Il est difficile de faire un compte-rendu exhaustif de toutes ces riches interventions. Quelques pistes de réflexion cependant peuvent être signalées :

– Si le pardon reste un horizon et parfois un besoin, il est souhaitable de ne pas utiliser cette notion trop vite sous peine de l’instrumentaliser, voire de la pervertir, et surtout de ne pas en faire une injonction morale ; les victimes préfèrent souvent parler de « déliaison » par rapport à leur agresseur, ce qui les libère et leur permet de commencer un chemin de reconstruction.

– La prise de conscience des abus dans l’Église a été, et reste encore, en beaucoup d’endroits, laborieuse à cause d’un effet de sidération (V. Margron) et de la tendance de tout corps à se protéger (« homéostasie sociale », Mgr Gobillard). Cela rend nécessaire une réflexion sur la théologie des ministères, en particulier épiscopal, et un travail de fond  pour une réforme du Droit canonique.

– La justice restaurative met la victime au centre, en s’intéressant moins à ce qui s’est passé qu’aux répercussions physiques et psychiques sur sa vie. C’est d’abord l’estime de soi qui est restaurée, en dépassant les sentiments de honte et de culpabilité que, de façon paradoxale, la victime ressent souvent.
La justice restaurative ouvre la possibilité d’une réflexion sur l’altérité : pour l’auteur de violences comme pour la victime, l’image de l’autre est réhumanisée, ce qui aide à éviter d’une part le déni, d’autre part la honte.
L’accent est mis, dans presque toutes les interventions, sur l’importance du temps et de l’espace : respect du rythme de chacun et de l’individualité des attentes et des besoins ; ouverture d’un espace entre l’agresseur et la victime, ce qui suppose la présence d’un tiers (professionnel ou bénévole).

Etait-il encore question du pardon ? C’est un processus « fragile et vagabond » (B. Guillou) qui garde une grande force symbolique, mais reste propre à chacun. On peut plus modestement viser une déliaison : laisser l’autre à sa vie et pouvoir vivre la sienne.

Participer à cette journée a été, en tous les cas, l’occasion de mieux comprendre la complexité des questions relatives à la réparation et au pardon et de se servir de cet apport pour avancer vers plus de compassion et de vérité, en communauté et en Église.

Sœur Marie-Laure