Les 25 ans de présence à Florence des Fraternités Monastiques de Jérusalem ne sont pas encore un Jubilé au sens biblique, mais ils ont été néanmoins pour nous l’occasion d’arrêter nos pas devant le Seigneur pour regarder ensemble ce temps qui nous a été donné. La beauté d’une fête réside souvent dans les préparatifs : c’est le moment où l’on cherche le sens profond de la fête, les moments et les moyens de le réaliser sont choisis ensemble en écoutant chacun, pour que la fête appartienne à tous et puisse impliquer le tissu social et citadin à différents niveaux. Nous nous sommes donc rencontrés, après avoir recueilli les idées qui surgissaient de temps en temps dans le dialogue avec différents laïcs, entre frères et sœurs, et nous avons essayé de construire ensemble le schéma des célébrations : pour accueillir différentes propositions, la célébration a été divisée en trois moments jusqu’à fin 2023 :

– Un triduum à l’occasion de la journée anniversaire, le 8 septembre ;

– un pèlerinage à pied, pour tous ceux qui le pouvaient, le 29 octobre à l’Impruneta, sanctuaire marial du diocèse de Florence,

– et encore un triduum à venir vers le 8 décembre.

Chacun de nous a pu choisir l’un de ces moments pour en assumer l’organisation selon ses aptitudes et préférences, en impliquant également des laïcs dans la mise en œuvre : une heureuse expérience de co-construction et de co-responsabilité qui est déjà un fruit dont nous pouvons profiter au terme de ces 25 années en Toscane.

Le « triduum » de la Nativité de Marie s’est ouvert par une veillée, pour se poursuivre avec la célébration de la messe du 8 septembre culminant dans l’adoration eucharistique du soir animée par un groupe des jeunes se nommant « la Fraternité » qui, par la profondeur de la prière, l’intensité des témoignages et la fraîcheur des relations, mettait d’emblée le Seigneur au centre de nos célébrations, lui qui guide notre petite barque et tient la barre de notre histoire.

Lors des préparatifs des célébrations, nous avions souligné que nous voulions que cette célébration ne soit pas une « autocélébration », mais qu’elle célèbre le Seigneur pour le remercier de sa présence parmi nous, et les jeunes de la Fraternité ont pleinement atteint l’objectif. Le samedi avait délibérément une saveur familiale avec un déjeuner entre frères et sœurs auquel nous avons également voulu inviter tous ceux qui, dans nos années florentines, ont été pour peu de temps ou pour plus longtemps des pierres vivantes de nos fraternités, tandis que le monastère de la Badia offrait à la ville une journée portes ouvertes guidée avec passion et compétence par les différents bénévoles qui accueillent les touristes chaque lundi pour une visite spirituelle et artistique des trésors de la Badia Fiorentina.

Le dimanche a également permis à de nombreux amis, fidèles et citadins, de se joindre à la célébration avec un déjeuner dans le cloître ouvert à tous. Nous avons apprécié le parfum de l’amitié et l’étreinte affectueuse de la ville à laquelle nous avons pu offrir dans l’après-midi un beau spectacle théâtral sur Charles de Foucauld, frère universel, mis en scène par Francesco Agnello et Sergio Beercock comme acteur, avec lequel les spectateurs ont pu ensuite avoir un dialogue approfondi.

Le dimanche s’est ouvert par la messe solennelle à laquelle beaucoup se sont joints afin d’exprimer avec nous leur gratitude au Seigneur pour cette aventure urbaine qui nous implique, consacrés et laïcs ensemble, dans le témoignage de l’absolu de Dieu au cœur de la ville. Le Cardinal Betori a présidé l’Eucharistie et, dans son homélie, il nous a présenté un programme de vie pour les 25 prochaines années. Les lectures bibliques proposées par la liturgie dominicale nous ont invités à réfléchir sur les chemins de réconciliation et de communion avec Dieu et avec nos frères.

Un thème qui revêt une importance particulière dans le contexte culturel actuel car l’humanité se perçoit aujourd’hui davantage comme une masse d’individus que comme un tissu articulé de relations. Les expressions extrêmes en sont les situations de guerre réelle qui ont ensanglanté le présent de nombreux peuples, mais aussi la fragmentation de la coexistence, la détérioration des liens sociaux, la prédominance des intérêts privés, le relâchement des liens familiaux et la crise des relations. La Parole de Dieu affirme la centralité de l’amour du prochain, nous invitant à incarner l’amour mutuel en prenant la responsabilité les uns des autres, comme sentinelles de la bonté et médiateurs de réconciliation et de communion. L’image que nous offre le Seigneur est celle de la communauté de ses disciples qui travaillent pour le bien de tous, avant même d’être des individus visant leur propre projet de réalisation de soi. C’est un facteur essentiel de l’expérience de la foi chrétienne, mais c’est aussi le secret de toute coexistence humaine réussie, qui souffre certes des déchirures dans les désirs contradictoires des individus, qui impliquent inévitablement des itinéraires divergents et souvent contradictoires, mais qui atteint la paix au moment où chacun converge vers un bien reconnu par tous comme sien, parce qu’il a été découvert et accepté comme la racine commune de toute existence humaine. Pour vivre en frères et sœurs, nous devons reconnaître que nous avons le même Père. D’où la primauté de la prière, comme source d’où découlent toute charité et communion. Une prière qui se nourrit du quotidien, celui de tous les hommes et femmes de notre ville. Le fruit de la prière est la charité, qui construit la vie monastique comme signe de communion pour toute l’Église florentine et qui soigne toutes les blessures de la coexistence humaine autour de nous. Pour une telle charité, le lien avec l’Église locale et le lien avec la vie de la ville deviennent nécessaires.

Les interventions prévues en décembre visant précisément à approfondir le visage culturel et social de la ville nous aideront également dans cette démarche.

En ce moment, exhortés et fortifiés par les paroles de notre archevêque qui nous indiquent de manière lumineuse et reconnaissante le cœur de notre charisme dans le monde d’aujourd’hui, nous choisissons de partir en chemin à la suite du Seigneur, comme communauté en recherche de sa volonté et nous invitons chacun au pèlerinage accompagné de la prière maternelle de Marie : rendez-vous le dimanche 29 octobre ! Nous vous attendons !

Sœur Chiara