Pour comprendre, assumer et partager notre histoire, sachant que l’avenir se fonde sur une bonne mémoire. 
Pour mieux comprendre ce qui a tissé notre histoire, et de la replacer dans son contexte sociétal et ecclésial. 
Nos Fraternités lancent un travail historique.

PRÉSENTATION DU TRAVAIL HISTORIQUE
en questions/réponses

Quel est l’historien qui va travailler pour nous ?

Le principe de notre travail historique est de demander à des personnes extérieures à nos fraternités et compétentes dans le domaine de l’histoire ecclésiale contemporaine de poser un regard sur ce qui s’est vécu depuis les préparatifs de la fondation jusqu’aux dernières années. Notre choix a été de confier ce travail à des universitaires, plus spécifiquement à la Faculté de théologie et d’études des religions de l’Université Catholique de Louvain (UCL). L’équipe qui travaillera pour nous est constituée d’un directeur de recherche, Jean-Pascal Gay et d’un jeune chercheur, Samuel Dobleau.

Que leur avez-vous demandé ?

Nous leur demandons un récit. Nous avons besoin d’un regard large, approfondi, qui cherche à rendre compte au mieux des fragilités et de la beauté de notre histoire, et qui en découvre les articulations, les étapes, les influences, les enjeux. Nous avons fixé comme dates précises : 1968 à 2018. L’ensemble du travail est régi par un contrat – élaboré avec l’aide de deux avocats d’un cabinet franco-belge, dont un spécialiste de la propriété intellectuelle – qui lie nos fraternités à l’UCL.

Comment vont-ils procéder ?

Il y a d’abord un principe essentiel : ils ont entière liberté de manœuvre. Ils dirigent la recherche et n’auront pas à nous rendre compte de leur travail, sinon de nous garantir que la recherche avance. Nous serons, de notre côté, comme équipe de chantier, à leur service. Ils nous ont déjà demandé une chronologie aussi complète que possible, une liste de témoins, une liste de questions importantes à traiter, ainsi que des essais de récit de notre histoire. Cela les aidera à lancer la recherche.

Quelles archives va-t-il pouvoir consulter ?

Nous avons mis en place un cadre juridique qui nous permet de leur donner plein accès à toutes nos archives de la période étudiée. Le Professeur Gay et son collaborateur sont engagés par écrit à la confidentialité vis-à-vis de tout document qui contiendrait des données personnelles. Tout usage explicite de documents contenant des données personnelles touchant à la vie privée des personnes fera l’objet d’une anonymisation.

Qu’est-ce que cela représente économiquement ?

Tout cela coûte… beaucoup d’argent, puisque nous avons choisi de faire appel à des universitaires. S’ajoute le fait que les salaires universitaires et les charges sociales en Belgique sont élevés. Nous devons trouver un montant d’environ 130.000 Euro. Nous devons trouver de l’aide. Pour les donateurs français se pose la question des reçus fiscaux. Nous avons reçu un très bon accueil des Œuvres Pontificales Missionnaires qui ont accepté de recevoir les dons pour le projet, et qui peuvent émettre des reçus fiscaux. C’est donc par cette entremise que nous pourrons recevoir en France les dons pour le travail historique.

Quand pouvons-nous attendre le document final ?

L’accord avec l’UCL parle de deux années de recherche et une année d’écriture. Nos deux instituts ont demandé à ce que leur travail soit alors publié.

Un dernier mot ?

C’est un travail précieux qui commence. Un regard extérieur qui va se poser sur notre histoire, avec une objectivité d’historiens professionnels qui connaissent bien la période que nous leur avons donné. Nous remercions déjà tous ceux et celles qui par leur témoignage contribueront à ce travail. Nous croyons qu’il sera utile pour beaucoup de personnes qui veulent mieux comprendre cette période historique.

DOSSIER DE PRÉSENTATION DU TRAVAIL HISTORIQUE

(Cliquez sur l’image pour ouvrir le dossier)

ENTRETIEN AVEC JEAN-PASCAL GAY, HISTORIEN

Pourquoi avez-vous accepté de collaborer à l’un des chantiers du processus de réforme ?

J.-P. G. : La compréhension des processus qui ont conduit à des phénomènes d’emprise ou d’abus, ou dans certaines communautés à des violences et même des crimes sexuels, constitue un enjeu ecclésial mais aussi scientifique de première importance. Les historiennes et historiens du catholicisme, au fond largement comme les acteurs du monde catholique, se sont longtemps trop peu intéressés aux logiques qui les ont rendus possibles. D’une certaine manière, ce sont vraiment certains aspects essentiels de l’histoire du catholicisme (rapport de pouvoirs, relations de genre, etc.) qui ont été ainsi négligés. Les Fraternités monastiques de Jérusalem ont par ailleurs fait un choix spécifique, et de mon point de vue particulièrement pertinent, en choisissant de reprendre de manière plus ample et générale le « récit de soi » de la communauté et en acceptant de faire de la réécriture de l’histoire de la communauté un élément même du processus de réforme. Il s’agit ainsi de replacer les dysfonctionnements, les souffrances, les injustices dans le contexte et le temps de l’histoire de la communauté, non pour les relativiser mais, au contraire, pour avoir une vision juste des mécanismes qui y ont présidé. C’est une tâche essentielle de justice et de justesse à laquelle il est difficile de se dérober quand on vous sollicite pour l’accompagner.

Comment envisagez-vous votre rôle ? En quoi consistera votre travail ?

J.-P. G. : Dans le processus que nous avons envisagé, ce n’est pas immédiatement moi qui réaliserai l’enquête historique sur la base d’archives et d’entretiens (avec des témoins de l’histoire des communautés, y compris des membres et d’anciens membres), mais une chercheuse ou un chercheur qui sera employé à l’Université catholique de Louvain et dont le travail sera financé par les fonds collectés par les communautés à cette fin. Mon propre rôle sera d’accompagner l’écriture de l’histoire des communautés issue de cette collecte de données et de garantir le progrès et l’indépendance de cette recherche. Il sera aussi d’accompagner la dimension d’histoire publique qui accompagne une telle entreprise et d’assurer la médiation entre le travail réalisé dans le cadre de cette recherche et les publics qu’elle concerne – les anciens membres des communautés et les frères et sœurs actuels – dans leur appropriation des résultats de cette recherche. Il ne m’appartiendra pas de juger de ce qui s’est « bien » ou « mal » passé dans l’histoire de la communauté, et moins encore de proposer des remèdes, ou de penser des modalités de réparations. Il s’agit là d’autres dimensions du processus de discernement et de réforme, que le travail historique pourra informer mais qu’il ne pourra informer efficacement qu’à condition d’être conduit séparément, pour lui-même, et en pleine indépendance. Pour le dire simplement, notre travail sera surtout d’essayer de dire ce qui s’est passé, et d’essayer aussi de distinguer ce qui appartient en propre dans ce ce-qui-s’est-passé aux communautés et ce qui s’inscrit dans des dynamiques plus larges dans le catholicisme des cinquante dernières années.

Avez-vous toute latitude pour le mener comme vous l’entendez ?

J.-P. G. : Il est encore un peu tôt pour répondre à cette question. Je puis attester de la claire volonté des communautés et de leurs assistants de nous accorder cette latitude et de nous donner les moyens – y compris financiers – de conduire à bien cette enquête, notamment en nous facilitant l’accès dont nous aurons besoin aux archives et aux témoins de tous types. Reste en l’état la question aussi de l’accessibilité des fonds d’archives diocésains et romains nécessaires à l’enquête, et bien sûr celle de la vérification de cette manifeste bonne volonté dans la durée. J’ai toute confiance, à titre personnel, que nous travaillons de ce point de vue dans la bonne direction. Le choix de l’équipe 
« histoire et fondateur » de laisser l’enquête historique se faire de manière libre et indépendante, en se mettant au service des chercheurs et en se concentrant plutôt sur la question du récit interne aux communautés me confirme dans cette confiance.